- FONDATEUR MYTHIQUE
- FONDATEUR MYTHIQUEFONDATEUR MYTHIQUELe problème du rapport entre la mythologie et la réalité se pose tout particulièrement dans le cas des fondations de cités, de nations, d’institutions, de religions: on rencontre là des personnages héroïques, affectés d’une biographie prise dans sa continuité, distincts des dieux, lesquels se situent dans un registre imaginaire et religieux. Dès l’Antiquité, l’interprétation des vies des fondateurs pose des problèmes théoriques: elles sont contiguës à la naissance de l’histoire. Acousilaos à Argos, Phérécyde à Athènes, Hécatée à Milet, au \FONDATEUR MYTHIQUE VIe siècle environ, décrivent les temps initiaux des fondations historiques. Hellanicos de Mytilène, contemporain de Thucydide, écrit une chronologie des prêtresses d’Héra; enfin Evhémère, en Sicile, au \FONDATEUR MYTHIQUE IVe siècle, fixe le premier une doctrine sur l’histoire mythique: les dieux, a fortiori les héros fondateurs, sont des hommes inscrits dans l’histoire et divinisés pour avoir accompli des exploits salutaires aux autres hommes. C’est dans cette perspective que s’inscrivent les rationalisations de Diodore de Sicile ou de Palæphatos, par exemple, jusqu’à l’époque hellénistique où les mythes sont recueillis pour eux-mêmes: la compilation anonyme intitulée Bibliothèque d’Apollodore systématise le corpus mythique, sur lequel se sont greffées les symbolisations philosophiques, en attendant que, vers la fin du XIXe siècle, avec J. C. Frazer et les premiers anthropologues, commencent à être posées les questions scientifiques sur le statut du mythe.Dès lors, on cesse de s’interroger directement sur l’aspect événementiel de tel ou tel incident de la vie du héros, pour chercher, au contraire, les traits pertinents des vies des fondateurs: ainsi Georges Dumézil, à propos des «types épiques indo-européens», recourt à une méthode structurale pour comparer les héros Sisupala, Starkadr, Héraklès, par exemple, et s’attache à dégager les «isothèmes», c’est-à-dire les concordances et les discordances dans les vies des fondateurs mythiques (Mythe et épopée ). On retrouve ainsi chez ces derniers des épisodes semblables: le combat initiatique, le furor , dans l’histoire comparée de Horace, Cuchulainn, Tullus Hostilius, si bien que la vie des fondateurs peut apparaître comme l’expression transposée de toute culture naissante.En matière d’interprétation psychanalytique, Freud, et Rank dans Le Mythe de la naissance du héros (1908) constatent la «stupéfiante similitude» des récits concernant les fondateurs et tentent d’établir une légende type de l’histoire du héros: le héros est un fils de famille royale; sa naissance est entourée de difficultés telles qu’il faut donner l’ordre de tuer l’enfant ou de l’exposer à de graves dangers; il est recueilli et sauvé par des animaux ou par des hommes de condition modeste, puis nourri par une femelle ou une humble femme; il retrouve après de nombreuses épreuves sa famille d’origine, se venge de son père et accède au rang royal à son tour. Dans ce cadre schématique s’inscrivent les destins d’Œdipe, de Moïse, de Romulus et de Rémus, mais aussi ceux de Sargon d’Agade, fondateur de Babylone, de Pâris, de Persée, de Gilgamesh... L’interprétation de Rank et de Freud répond simplement au modèle «œdipien» de la psychanalyse: le héros est confronté à l’agressivité du père, qu’il parvient à vaincre. Les deux familles mythiques, la famille royale et la famille modeste, se répartissent les qualités effectives de la famille réelle, ainsi dédoublée dans le registre de l’imaginaire, selon le prototype du roman familial que tout enfant se raconte à lui-même pour se détacher de sa vraie famille.En écrivant Moïse et le monothéisme , Freud, qui en vient à conclure, selon ce schème, que Moïse n’était pas juif, mais égyptien (la vraie famille serait la famille royale), reconnaît que c’est porter gravement atteinte à l’intégrité culturelle du héros fondateur que de faire de celui-ci un enfant en colère contre son père. Toute différente est la perspective adoptée par Jung et Kerenyi qui, dans L’Enfant divin , analysent le mythe de l’enfant en tant que fondateur: selon un modèle qui échappe au modèle parental et qui est, par exemple, masqué par la figure de l’androgyne, le fondateur mythique est celui qui, venant de nulle part, crée sa propre origine et qui innove donc une nouvelle culture.
Encyclopédie Universelle. 2012.